Définition des perturbateurs endocrinien Une portée encore incertaine
Très attendu, le projet de Bruxelles reste trop flou pour juger précisément du nombre de produits phytos concernés.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Elle s’est souvent fait rappeler à l’ordre. C’est pourtant avec plus de deux ans de retard que la Commission européenne a dévoilé, le 15 juin, les critères scientifiques pour la classification des perturbateurs endocriniens (PE). Un classement indispensable pour encadrer ces molécules dans les spécialités phytosanitaires et les biocides (insecticides de stockage, antimousses, raticides...) Et qui pourrait aboutir à interdire certains produits. Combien ? Difficile à dire encore.
Basés sur les normes de l’OMS (Organisation mondiale de la santé), les deux textes (l’un pour les phytos, l’autre pour les biocides) proposent qu’une substance soit classée comme PE si elle a des effets indésirables sur la santé humaine, si elle présente un mode d’action endocrinien et s’il existe un lien de causalité entre l’effet indésirable et le mode d’action. Des dérogations seront possibles en cas de « risque négligeable ». Une notion qui reste à définir. Il revient désormais aux agences européennes (1) d’examiner, au regard de ces critères, si des produits phytos et biocides autorisés sur le marché communautaire peuvent être considérés comme PE.
Mais la mise en œuvre de ces critères reste encore très floue et ne permet pas d’avoir une vision claire du nombre de molécules susceptibles d’être retirées du marché. Selon une étude d’impact réalisée par la Commission (DG Santé), sur 324 molécules phytosanitaires, 26 pourraient être classées comme PE et donc interdites. Parmi elles, 13 fongicides (mancozèbe, tébuconazole, boscalid, thirame, iprodione...), 9 herbicides (trisulfuron, propyzamide, 2,4-D, pendiméthaline...) et 4 insecticides (cyperméthrine, spirodiclofen...). Mais les dérogations possibles ne sont pas prises en compte dans cette analyse d’impact. Et tout peut encore bouger puisque le projet de Bruxelles doit encore être soumis aux Etats membres et au Parlement. L’exécutif entend aller vite cette fois.
Toujours est-il que la définition de ces critères ne satisfait personne. A commencer par les fabricants de produits phytos qui regrettent que le projet de Bruxelles ne tienne pas compte « de la puissance du danger et de la réversibilité ou non de l’effet endocrinien ». Selon eux, « la proposition pourrait conduire à des interdictions de produits phytos avec des propriétés endocriniennes semblables à celles de produits de tous les jours comme le café ». Ils craignent ainsi que 40 % des molécules actuelles soient concernées. La filière des fruits et légumes s’alarme aussi du risque de perte de diversité des solutions de protection, citant par exemple l’huile de Neem. Mais pour Générations futures, les critères dévoilés par la Commission sont une « déception » car « ils nécessiteront un niveau de preuve extrêmement élevé pour obtenir le classement de perturbateurs endocriniens. » Ségolène Royal demande aussi à Bruxelles de revoir son projet afin que la définition inclue les PE « présumés ou suspectés ». Le feuilleton politique entamé depuis 2010 n’est pas clos.
(1) Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et l’Agence européenne des produits chimiques (Echa).
Pour accéder à l'ensembles nos offres :